Récits

Récits, impressions, projets, coups de gueule, d'un photographe au Mali.

samedi 25 juin 2016

Au commencement était le Noir et Blanc… Conseils aux amateurs.

Sur votre appareil numérique, vous avez essayé l'option "noir et blanc".
Ou bien vous avez aimé des photos en noir et blanc, sur le web ou dans une exposition.
Et ça vous a donné envie d'en faire aussi : c'est original, beau, artistique, intemporel, tout ça…

Ajitto - Photo © Robert Mapplethorpe
Longtemps, le noir et blanc était la photographie. Et, même après l'invention des procédés de photo en couleurs, on ne concevait d'art photographique qu'en noir et blanc.

Si vous voulez vous lancer dans cette aventure, permettez-moi de vous proposer quelques sujets de réflexion.

(Soyez vigilants : le texte comporte de nombreux liens qui vous permettront d'approfondi à loisir les sujets abordés.)

Portrait de George Bernard Shaw. Photo © Yousuf Karsh

Savoir prévoir le résultat d'une prise de vue, est une qualité indispensable à tout photographe. Cette capacité d'anticipation est particulièrement importante en noir et blanc : comme nous voyons en couleurs, il faut fournir un effort perceptif de transposition mentale, pour "voir" le sujet coloré en valeurs de gris.

On peut, par exemple, plisser les yeux, voire les fermer à moitié : les couleurs s'estompent et on perçoit mieux les contrastes.

Girl in Fulton street - Photo © Walker Evans
Ethiopian woman - Photo © Sebastiao Salgado























Si l'appareil est pourvu d'une mesure de l'exposition de type "spot", on peut estimer les écarts entre les zones claires et les zones sombres, et imaginer le rendu en niveaux de gris.

Dans les années 1930, Ansel Adams et Fred Archer, deux maîtres photographes célèbres surtout pour leurs images, ont développé le Zone System, un procédé (assez complexe selon nos critères actuels !) qui permet d'évaluer avec précision le rendu en noir et blanc d'une photographie, de la prise de vue au tirage, en passant par le développement du négatif. Une version simplifiée destinée aux photographes numériques est consultable ici.

Une façon d'agir sur le rendu en noir et blanc d'un sujet en couleurs est l'utilisation de filtres de couleur sur l'objectif, dès la prise de vues. En effet, un filtre rendra plus claires les couleurs proches de sa couleur propre, et assombrira celles qui lui sont opposées : un filtre jaune assombrira considérablement le bleu du ciel, par exemple. Ce tutoriel vous l'explique clairement.

Par ailleurs, en photo numérique, on peut aussi simuler l'usage des filtres dans les logiciels de traitement d'image, à condition bien sûr que la photo ait été prise en couleurs.

En numérique on peut bien sûr observer le résultat sur l'écran de l'appareil. Mais, outre le fait qu'on perd du temps et qu'on risque de rater la bonne photo, on ne peut pas y manipuler l'image comme on peut le faire en post-production, sur l'ordinateur.

C'est par une pratique assidue que l'on parvient à éduquer son œil et son esprit à voir en noir et blanc.


The Tetons and the Snake River - Photo © Ansel Adams

Envisageons à présent la finalité ultime d'une photo en noir et blanc : le tirage photographique. En effet, pour un amateur de belles images, ni la couleur, ni le noir et blanc ne peuvent se satisfaire du visionnage des photos sur un écran. 

Avant l'ère du numérique, toute photo était soit imprimée (livre, journal), soit tirée sur papier par un procédé argentique. Quiconque a déjà vu un beau tirage argentique en noir et blanc reconnait l'incomparable qualité de ce travail. 

Certains photographes tirent eux-même leurs images, comme Ansel Adams ou Edward Weston. D'autre font appel à des tireurs professionnels qui perpétuent avec un vrai talent artistique cet art de la chambre noire, comme Patrick Toussaint ou Nathalie Loparelli.

Nude floating - Photo © Edward Weston

  On peut bien sûr toujours tirer soi-même ses photos par le procédé argentique. Cependant, le matériel peut représenter un investissement important, il faut avoir un espace à consacrer à cette activité, et beaucoup de temps et de patience pour son apprentissage. 

En France il existe des laboratoires que l'on peut louer, comme ICI et ICI. À Bamako, l'école de photographie CFP (Cadre de Formation en Photographie) possède encore, à ma connaissance, un labo noir et blanc bien équipé.

White vase - Photo © Robert Mapplethorpe
L'alternative au tirage argentique est bien entendu le tirage numérique. Cependant, les tirages obtenus dans les labos grand public à partir de photos numériques simplement mises en noir et blanc dans l'appareil photo sont généralement décevantes. 

Si l'on possède une bonne imprimante et un certain savoir-faire, on peut tirer soi-même, dans la limite du format de la machine. Il faut néanmoins compter sur un investissement minimum de 300 € (200 000 xof) et un certain temps d'apprentissage pour obtenir de bons résultats. 

Les meilleures imprimantes rivalisent à présent en qualité avec les procédés argentiques, grâce à la qualité de leurs encres et des papiers modernes, mais elles sont l'apanage des professionnels. Certains d'entre eux sont de véritables artistes, qui prennent en charge des travaux d'une extrême qualité, tant pour les photographes que pour les institutions, musées ou galeries, comme par exemple l'Atelier Ooblik.

Portrait d'Albert Einstein - Photo ©Yousuf Karsh

À Bamako, Jawmali - EPP (Espace Photo Partagé) organise régulièrement des masterclass en photographie numérique noir et blanc.

Pour en être informé, inscrivez-vous sur notre groupe Facebook, suivez la page Bamako Samedi Photo ou renseignez-vous ici :

Espace Partage Photo
rue 42 porte 224
Hamdallaye / Wolofobugusugu
Bamako - Mali
Tél. : (+223) 96 08 29 81 - 66 73 11 16 -  66 71 66 53
Email : espacephotopro@gmail.com

Toutes les images présentées ici sont extraites du site masters-of-photography.com. Merci à eux.

Et maintenant, à vous de jouer ! Bonne moisson de photographies

Nude 1936 - Photo © Edward Weston
http://www.masters-of-photography.com/W/weston/weston_pepper_number30_full.html
Pepper - Photo © Edward Weston

mardi 14 juin 2016

Masterclass "Lumière et Couleurs" à Bamako : Inscriptions ouvertes chez Jawmali-EPP.

Photographier, c'est écrire avec de la lumière.
Mais la connaissons-nous si bien, la lumière ?


Le numérique a donné aux photographes un outil formidable de maîtrise de la couleur.
Mais cet outil est complexe et en évolution permanente.


Le Masterclass que je vais animer chez Jawmali-EPP se propose de clarifier l'ensemble des notions indispensables à une bonne compréhension des processus liés à la lumière et aux couleurs en photo numérique.



Contenu du Masterclass :

- Nature de la lumière
- Nature des couleurs
- Perception des couleurs
- Température de couleur et balance des blancs
- Capture numérique des couleurs
- La trichromie
- Le capteur numérique
- L'enregistrement numérique des données d'image : formats, profondeur d'échantillonage
- Les espace couleur
- Les profils ICC et la calibration des périphériques : écrans, appareils photo, scanners, imprimantes.

Déroulement et conditions générales :

Le Masterclass est gratuit, et se déroulera courant juillet, en 5 séances d'une demi-journée. Les dates et le lieu exacts seront communiqués aux participants inscrits avant le 30 juin 2016. Il sera animé par votre serviteur, Patrick Ertel.
Il est recommandé à tous les photographes, amateurs ou professionnels, qui ont déjà une pratique régulière du numérique, et qui ne craignent pas de se plonger un peu dans la technique !

Modalités d'inscription :

1- Par Facebook sur la page du Masterclass : http://bit.ly/MasterclassCouleurs
    (Indiquez vos noms, email et téléphone.)
2- Par message privé à Patrick Ertel : https://www.facebook.com/patertel
3- Par email à espacephotopro@gmail.com
4- Par téléphone au 96 08 29 81
5- En vous présentant chez EPP (voir le plan : http://bit.ly/espace_pro_patertel )



vendredi 30 octobre 2015

Prêts pour les Rencontres de Bamako ?

Enfin ! Quatre ans, c'est long, surtout entre deux biennales...

Nous avons attendu, parfois dans le doute (il paraît que Cotonou va nous prendre la Biennale ???), maudissant en vrac les djihadistes, les narcos, Haya Sanogo, la transition, les français trop peureux, ou trop entreprenants, et qui d'autre encore ?

Pendant quatre longues années, le Mali a plus souffert de son carton rouge de pays en guerre que de la guerre elle-même : tourisme réduit à néant, exode massif souvent suivi de décès des "aventuriers", ces candidats au rêve d'Europe, qui vide le pays de ses jeunes les plus entreprenants, aides financières internationales suspendues, confusion sociale génératrice de prévarications diverses, et autres calamités collatérales.

Arrivée à Bamako des tirages de l'exposition "Émoi Photographique", Angoulème 2015
Malgré tout, nous avons voulu que vive la photographie au Mali : enfin, quoi, serions-nous incapables de produire des images sans la Biennale ? C'est ainsi qu'en quatre ans, nous avons vu émerger de jeunes talents qui ne doivent rien à cette fièvre événementielle, pour la simple raison qu'ils sont trop jeunes pour l'avoir connue. Grâce aux "événements", ils ont aussi échappé au formatage qui faisait florès en temps de paix, quand les stages de formation payaient des vacances exotiques à des toubabs parachutés par quelque association bienfaisante, sinon bienpensante, et prompte à se retirer au moindre bruit suspect...

Olabisi Silva, commissaire d'exposition des Rencontres de Bamako, et votre serviteur.
Donc, demain et pour une semaine, Bamako devient Saint-Tropez sur Joliba. Une nuée de charmant(e)s attaché(e)s de presse, en majorité français(es) et célibataires temporaires, va investir la vie nocturne de la cité des trois caïmans, pour vérifier la taille des objectifs ou la profondeur de champ des photographes locaux. Le contingent habituel d'universitaires au front plissé va répandre sa connaissance de la photographie africaine devant des auditoires médusés de photographes maliens qui ignorent tout de leur propre démarche, naïfs qu'ils sont de croire que la photo, ben, c'est prendre des photos, ou bien ?

Susan Loehr (ARTE) en tournage chez EPP pour l'émission Métropolis
Mais ne boudons pas notre plaisir, tout concorde pour que cette Biennale 2015 soit un cru exceptionnel, voire même un grand renouveau pour la photo au Mali et en Afrique. Pour la première fois, la biennale est mise en scène par une commissaire d'exposition issue d'Afrique noire. Olabisi Silva, nigériane, a su y insuffler toute l'énergie dont sont capables les africains anglophones. Elle a sillonné le continent, suscitant un nombre de candidatures jamais atteint dans les précédentes éditions. Elle s'est entourée de personnes de valeur, comme Antawan I. Byrd et Yves Chatap, co-commissaires, Chab Touré, un vétéran des Biennales, et bien d'autres qui me pardonneront de ne pas les avoir cités ici. Je vous renvoie au site des Rencontres pour plus d'infos : http://www.rencontres-bamako.com/

Puissent les francophones en tirer des leçons, eux si prompts à assoir du thé en attendant d'hypothétiques subventions sans lesquelles rien ne peut se faire.


Votre serviteur embauché comme traducteur pendant la Masterclass de Uche Okpa Iroha, à la Galerie Médina
Le Off des Rencontres est lui aussi en pleine expansion, et prometteur. Espace Photo Partage - Jawmali y figure en bonne place avec Génération 2015, qui présente les jeunes photographes émergents, et en bonne compagnie : parmi bien d'autres, Igo Diarra, le brillant animateur de la Galerie Médina, a lui aussi multiplié les initiatives pour faire du Off un incontournable capable de rivaliser avec le festival officiel.

Mes panoramiques en cours de tirages chez Marc Tallec, Atelier Ooblik

Souhaitons que dans les prochaines éditions, le Off réussisse à s'organiser de manière autonome. En effet, situation quelque peu surprenante, le Off est encore géré par le In. Autonomie qui n'est pas acquise d'avance, tant les acteurs du Off sont perturbés par des priorités plus financières qu'artistiques. Je gage que Samuel Sidibé, directeur du Musée National et grand ordonnateur de la manifestation, en serait considérablement soulagé.

Pour finir, voici le programme que nous, Espace Photo Partage - Jawmali, avons concocté pour votre plus grand plaisir :

1- Exposition en plein air “Génération 2015”
Du 1 au 31 novembre 2015.
Ouverture et vernissage le dimanche 1 novembre à 16:30h, autour des locaux de Jawmali-EPP. L’exposition inclut :
- Retour sur les expositions “L’Émoi Photographique”, Angoulème 2014 et 2015. Avec Aly Barro, Hamdia Traoré, John Kalapo, Zoumana Sidibé.
- Le temps du Bogolan, par Souleymane N’Diaye.
- Présentation de “TATA”, photos de Marc Tallec : un cimetière de tirailleurs africains au fond de la campagne lyonnaise.
- “Mali, souvenirs de 2007”, photos de Patrick Ertel.
- Projections des travaux des membres de Jawmali-EPP.

2- Le mercredi 4 novembre á l’INA (Institut National des Arts) :
10:00h. Causerie débat autour de la photographie, animée par Erika Nimis, Emmanuel Bakary Daou et Patrick Ertel.
17:00h. Vernissage de l’exposition du Collectif Elili, Congo-Brazzaville.

3- Le vendredi 6 novembre à 16:30h. au restaurant “Le Bafin”, chez Ibrim, quartier du fleuve, vernissage :
- “I ni gwa”, hommage à la cuisine des femmes, photos de Assétou Touré, lauréate du concours photo Jawmali-EPP 2015.
- Quatre paysages du Mali, panoramiques de Patrick Ertel.

4- Le lundi 9 novembre à 11:00h., à la Pyramide du Souvenir, face Ambassade de France :
Cérémonie officielle de don à la Pyramide des photographies de Marc Tallec, “TATA”.

Plan d'accès à Jawmali - EPP
Jawmali-EPP est situé à Hamdallaye, sur le goudron du marché de Oulofobougou, près du Diafarana Pont, à 10 mn de taxi du Musée National. Si votre chauffeur ne connait pas, appelez Hamdia au 63 09 42 82 qui lui donnera toutes les explications.

Jawmali-Espace Photo Partage
Immeuble Blangalaman, rue 42, porte 224, Hamdallaye
Contacts :
Emmanuel Daou : 66 71 66 53 - manuelbak1@yahoo.fr
Patrick Ertel : 96 08 29 81 - patrick.ertel@gmail.com
Yacouba Sangaré : 66 73 11 16 - spm.sangare@gmail.com
Sur Facebook : “Bamako Samedi Photo” et “Espace Partage Photo”

Merci à tous nos partenaires : Imprim Color - CMDT - Labo photo vesta - Labo 22 septembre - Sacko Electronic 2000 - Bistro Bafing - Kané - Digicom - Majo Imprim - Papeterie le Larousse opc - Diarra Electronic chez Lassina - Association Acte Sept - Créapub chez Delessy



mardi 30 juin 2015

Espace Partage Photo exposera le travail de Marc Tallec, "Tata", pendant les Rencontres de Bamako 2015

Le tata de Chasselay, officiellement nécropole nationale de Chasselay, est une nécropole militaire située à Chasselay dans le Rhône, où sont enterrés 194 tirailleurs originaires de différents pays d'Afrique de l'Ouest, ainsi que deux légionnaires, tous massacrés par la division de SS allemande Totenkopf en juin 1940.



Dans les années 70, roulant dans la région lyonnaise au petit matin, j'avais vu surgir de la brume matinale cet improbable construction africaine, je l'avais visitée et ne l'ai plus jamais retrouvée. Il m'en était resté l'amertume de ne pas avoir mon appareil photo avec moi ce jour-là.
 
Bien des années plus tard, Marc Tallec a découvert près de chez lui ce cimetière en forme de Tata, et il en a fait l'inventaire avec la rigueur qui caractérise son travail.


Je connaissais cette série depuis qu'il l'avait réalisée en 2014, et j'ai pensé qu'elle avait sa place chez nous, lors des Rencontres de Bamako 2015, dont le thème est "Conter le temps".

Il a accepté de nous confier ses images, et nous ferons de notre mieux pour les mettre en valeur, dans le "off" du festival, qui représente la meilleure part des Rencontres de Bamako.

 Marc soutient notre structure Espace Partage Photo à Bamako depuis nos débuts, notamment par des dons de matériel photo, et nous sommes heureux de pouvoir lui manifester ainsi notre reconnaissance.

Notre intention est de faire en sorte que ses photos soient vues par un large public. Peut-être que quelqu'un y retrouvera un parent, qui sait ?

 Vous pouvez voir la série complète ici, sur son site.

Marc est aussi un talentueux et rigoureux tireur numérique qui consacre toute son énergie à la mise en valeur du travail de nombreux photographes de talent.  Voyez ici le site de son atelier "Ooblik". 

Sur Facebook, retrouvez Marc Tallec ici, et l'atelier Ooblik ici.

jeudi 25 juin 2015

Ce que je ne fais pas au Mali.



Au Mali
Je ne creuse pas de puits dans le désert*.
Je ne donne pas de tentes aux réfugiés*.
Je ne distribue pas de riz aux populations* affamées.
Je ne vaccine pas d'enfants*.
Je ne sauve pas de folklore* de l'oubli.
Je ne milite pas contre des coutumes barbares*.
Je ne crée pas de start-up* promises à un bel avenir.
Je ne milite pas contre un troisième mandat d'un quelconque président*.
Je ne conseille pas les femmes* sur le planning familial.
Je ne fais pas de reportages sur la misère*, ni sur l'émergence des classes moyennes*.
Je ne fournis pas de fours solaires aux villages* victimes de la déforestation.

(* subsaharien-ne-s, ou bien noir-e-s, au choix)


Au Mali, je fais seulement ce que je sais bien faire : enseigner la photographie, entouré de mes partenaires maliens et de nos élèves.

Dans la certitude que, par leur travail, ils témoignent eux-même de leur propre pays, et sont des citoyens et des témoins actifs dans la résolution des problèmes qu'il affronte.

Si vous avez envie de nous aider, notre crowdfunding est ici.

P.S. : J'oubliais : je ne cherche pas à me faire payer des vacances au Mali.
Parce que j'y vis.